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Tu dois être tellement heureuse

Je vais parler d'un truc qui m'énerve particulièrement ; c'est la propension des gens à considérer qu'il y a une façon universelle de vivre la maternité. Et cette façon c'est bien sûr, l'épanouissement total, la certitude d'avoir fait les bons choix, l'oubli de son intérêt personnel au profit de cette merveilleuse chose qu'est l'enfant.

Il n'y a qu'à voir l'originalité des réactions quand on annonce une grossesse ... Tu vas voir, que du bonheur !

Je vais donc vous raconter comment j'ai découvert, moi, les plaisirs de la maternité.

Imaginez que vous deviez subir une opération un peu pénible. Avec des suites douloureuses, et qui touche un endroit qui vous sert un peu à tout : à vous asseoir, à uriner, à avoir une activité sexuelle.

Maintenant, imaginez que la journée précédant cette opération, vous passez 24 heures à vous tordre de douleur. Et que du coup, vous passez une nuit blanche.

Imaginez maintenant que l'opération est terminée, vous essayez de vous remettre de votre nuit blanche, et de ne pas trop penser à vos sutures et à votre corps qui saigne. Et que pendant que vous essayez de dormir pour récupérer vos forces, on pose à côté de votre oreille, un réveil qui sonne aléatoirement, parfois pendant une heure, parfois à 10 minutes d'intervalle juste pour vous laisser croire que vous allez pouvoir dormir.

Et que si par bonheur votre réveil se met en veille, et vous parvenez à vous assoupir, à ce moment exactement une infirmière va ouvrir grand votre porte, allumer votre lampe et prendre votre température.

C'est crédible ? Non hein. Personne ne ferait subir ça à un être humain. Mais pour une jeune mère, c'est normal. C'est notre travail après tout. Pourquoi nous éviter de souffrir, et pourquoi nous aider à récupérer ?

C'est ça les débuts de la maternité.

Ajoutez qu'au petit matin, une cohorte de personnes en pleine forme vient vous dire à quel point vous devez être heureuse, tout en regardant en biais votre ventre et votre teint blême en les commentant intérieurement.

Qu'après 2 nuits on vous lâche dans la nature sans mode d'emploi.

Qu'en plus de soigner vos blessures, vous devez vous lever 3 fois par nuit et prendre soin d'un être auquel vous ne comprenez rien.

Que votre conjoint se réveille, pimpant, chaque matin, pour vous dire joyeusement que ha ça y est, il a fait sa nuit.

Et que tout le monde a l'impression que vous êtes en vacances.

Bravo, vous avez une idée approximative de ce que subit une jeune mère.

Alors bien sûr, tout le monde ne le vit pas de la même façon. Ce que je décris ici, ce sont des faits, mais le ressenti peut varier.

On peut changer cette situation. On ne le fait pas car on estime que la souffrance fait partie intégrante de la maternité. C'est livré avec, d'ailleurs, c'est Dieu qui l'a dit. (ou ses apôtres ou que sais-je, je ne connais rien aux religions).

Pourquoi laisser une femme souffrir de ses contractions pendant des heures, alors qu'il est possible d'y remédier ? L'anesthésiste m'avait dit lui-même qu'on pouvait poser la péridurale dès le début des contractions, que la maman arrivait d'autant plus en forme au moment de l'accouchement et que c'était plus sûr.

Pourquoi proposer 8 heures de cours d'accouchement, et aucun cours de jeune maman ? On est censées savoir d'instinct comment marchent ces trucs ?

Pourquoi laisser le nourrisson qui braille et la maman cloîtrés toute la nuit dans une chambre de 9 m² ?

Pourquoi on n'explique pas aux futures mères, à quel point leur travail va être difficile ? Et aux futurs pères, que c'est à plus de 50% leur travail également ? Car oui, il y en a un des deux qui est en convalescence, ça ne devrait pas être celui qui en fait le plus !

On présume que les jeunes mères ont d'instinct, une relation viscérale avec leur nourrisson, et qu'il ne faut pas les séparer. Personnellement je n'aurais demandé que ça. Qu'on me le prenne une semaine et qu'on me le ramène une fois que j'ai guéri de l'accouchement. D'autres ne veulent pas s'en séparer, ça n'empêche pas de leur apporter soutien matériel et moral durant leur convalescence.

Pour moi, pas d'autre enfant, je suis vaccinée. Mais le.la prochain.e que j'entends dire "Que du bonheur", je l'étrangle avec un placenta.

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